Les bandits des hautes routes numériques

Les bandits des hautes routes numériques


Maxime Bérubé
redaction@journalclarte.ca
Clarté #49 – Janvier 2023


De nos jours, les télécommunications sont une partie intégrante dans tous les secteurs de notre société. De nos services d’urgences aux échanges économiques, en passant par la gestion des transports à simplement consulter une page web pour son emploi; l’accessibilité à cette infrastructure est devenue un enjeu majeur en ce monde interconnecté. Il serait donc naturel de penser que les télécommunications devraient être une affaire publique, mais la réalité au Canada et ailleurs est toute autre. En effet, ce secteur clé de notre économie est entre les mains de seulement une poignée de corporations : Telus, Rogers et Bell qui a eux trois possèdent 90% du marché.

Ces entreprises monopolisent le marché et l’infrastructure sans aucun scrupule, chargeant les Canadien.nes certains des frais les plus élevés au monde pour ces services tout en ayant accès aux coulisses du pouvoir à Ottawa par le lobbyisme intensif et un accès à des fonds publics pour étendre leur contrôle. Si les grandes corporations de télécom règnent en roi dans le secteur, c’est qu’elles en ont la pleine approbation par la métaphorique couronne impérial du conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), une commission fédéral indépendante dont la direction est choisi par le ministre du patrimoine sans aucune supervision démocratique. Celle-ci agit entre autres comme tribunal « d’auto-régulation » commercial qui attribue les licences de radiodiffusion, supervise les acquisitions de propriété privé, approuve les tarifs et régit les diffuseurs de médias canadien.

Malgré que le CRTC prétend servir l’intérêt des Canadien.nes, ses véritables intérêts sont clairement avec ceux du grand trio des télécom et du capitalisme monopoliste. Le chef du CRTC, Ian Scott, est nul autre que l’ex Vice-Président de Telus, un lobbyiste vétéran pour les compagnies de télécom et il accepte lui-même un nombre surprenant de lobbyistes des entreprises régnantes (des rencontres deux fois par semaine en 2020), incluant même une rencontre privé avec le PDG de Bell autour de quelques bières froides dans un pub d’Ottawa. Nous sommes ici face au néolibéralisme dans toute son ampleur : le mariage du capital financier et de l’État bourgeois. Le résultat pour la population  : des factures faramineuses pour des services téléphone/internet/télé médiocres, rendant souvent les meilleurs forfaits inaccessibles aux plus pauvres et augmentant la pression économique de la population déjà à bout de bras! Le grand trio ayant droit de décider dans quelles régions investir et construire l’infrastructure, ils délaissent les régions éloignées en faveur de développer les grandes villes car celles-ci sont plus profitables, créant un creux du service entre les régions rurales et urbaines. Le problème affecte aussi les nations autochtones à travers le pays de façon disproportionné, une réalité qui a été démontré clairement durant la pandémie de COVID-19 alors que plusieurs ne pouvait ni travailler ou étudier à distance dû aux limitations de vitesses et de données imposés par leur forfait et au manque sévère de développement dans leur région. D’ailleurs, la pandémie a clairement mis à découvert l’importance vitale de l’infrastructure réseautique puisque la portion de travailleur.euses entre 15 et 69 ans qui sont passé.es en télétravail est montée de 4% en 2016 à 32% au début 2021! On ne parle plus que de regarder des émissions en continu sur Netflix, mais bien de ce qui devient rapidement un outil de travail majeur!

La solution proposée pour régler la question revient souvent à « plus de compétition dans le marché des télécommunications », soit-disant que plus de compétition feront baisser les prix et amélioreront la qualité du service. C’est ce que la théorie capitaliste dicte…mais dans le monde réelle, les petits compétiteurs ne font que payer une part de leurs profits au plus gros en échange d’un accès à leurs réseaux pour le revendre ensuite à la population ou, pour ceux qui se montrent plus tenaces, se font dévorer par le blob monopoliste comme c’est le cas en ce moment avec la tentative d’acquisition de Shaw Media par Rogers. Tel est la seule direction du marché supposément libre : le monopole. Car, dans la logique de compétition du marché il ne peut n’y avoir qu’un seul vainqueur, les autres seront subjugués ou absorbés.

La vraie solution réside dans la pleine nationalisation et démocratisation de l’ensemble de l’infrastructure des télécommunications afin de briser l’emprise de ce cartel de bandits sur un service qui devrait être un droit. Il n’est pas ici seulement question du chiffre au bas de la facture, c’est un enjeu qui touche l’accès à l’éducation, l’accès à la culture, l’économie, l’emploi, l’accès au soins de santé; toutes des choses essentielles! La merveille qu’est la technologie numérique n’atteindra jamais son plein potentiel tant que celle-ci sera régi par des chefs d’entreprises qui partagent leur lit avec l’élite politique, car ils l’utilisent toujours dans leurs propres intérêts de classe et du statu quo capitaliste. Des services pour le peuple, pas pour le profit!