Petro et la gauche d’accompagnement de l’impérialisme en Amérique latine
Petro et la gauche d’accompagnement de l’impérialisme en Amérique latine
Rédaction
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Clarté #47 – Août 2022
Il y a une dizaine d’années, pratiquement tous les pays d’Amérique latine étaient dirigés par des forces progressistes plus ou moins engagées dans un processus de lutte contre l’impérialisme états-unien. Outre la Révolution cubaine de 1959, c’est l’arrivée d’Hugo Chavez au pouvoir au Venezuela en 1999 qui redonne espoir aux peuples latinoaméricains en lutte pour leur souveraineté. C’est ainsi que suivent Lula au Brésil, Evo Morales en Bolivie, puis Correa en Équateur, le FMLN et le FSLN dirigent le Salvador et le Nicaragua, même l’Uruguay et le Paraguay élisent Pepe Mujica et Fernando Lugo.
C’en est trop pour l’impérialisme US qui doivent mettre fin à cette unité latino-américaine qui commence à projeter des alliances solidaires dont l’ALBA pour faire contrepoids à la mainmise des monopoles du nord du continent (Canada inclus). Dès 2002, on tente un coup d’État (avorté) contre Hugo Chavez. La police de Quito essaie ensuite de déposer Rafael Correa, puis en 2012, c’est au tour de Fernando Lugo d’être la première victime de ces coups d’État “en douceur” qui écument le continent. La bourgeoisie comprador revancharde ainsi que ses maitres nord-américains semblent avoir trouvé une tactique imparable pour faire valoir leurs intérêts. Après Lugo, Dilma Roussef est démise de ses fonctions et forcée de céder le pouvoir à Temer, pavant la voie à l’élection de Bolsonaro et l’emprisonnement de Lula.
Au final, l’Amérique latine unie et souveraine que souhaitaient Bolivar, Alfaro, Sandino et Marti cède temporairement la place à un sous-continent subjugué à une doctrine Monroe 2.0. À cet effet, il convient de rappeler le rôle d’avant-garde joué par le Canada, mais aussi celui de la Colombie qui, durant toute la période d’avancée des mouvements de gauche, n’a cessé de jouer le rôle d’avant-poste de l’impérialisme nord-américain dans la région. Le zèle avec lequel ses gouvernements successifs ont appuyé politiquement et logistiquement les campagnes de déstabilisation de l’Amérique latine progressiste lui a valu de devenir état partenaire de l’OTAN.
En juin dernier toutefois, la Colombie a surpris le monde entier. Dans la foulée d’un Mexique également avant-poste historique de l’impérialisme nord-américain qui élit AMLO (non sans contradictions inhérentes à son projet), l’accord électoral entre les différentes forces de gauche de Colombie, le Pacte historique, porte au pouvoir l’ex-guérillero, maire illégitimement déchu de Bogota, Gustavo Petro et la militante afro-américaine Francia Marquez. Cette victoire donne suite à plusieurs années de mobilisations populaires, notamment la grève générale de l’an dernier, dirigées contre le modèle économique néolibéral et la recrudescence de la violence d’État malgré un accord de paix ratifié en 2016. Elle survient également dans un contexte d’intimidations et de menaces politiques particulièrement exacerbées dans l’entre-deux tours.
Il ne fait aucun doute que pour les peuples d’Amérique latine, cette victoire d’une coalition opposée à la “droite continentale” puisse être porteuse d’espoir. D’emblée, Petro s’est engagé à rétablir les relations diplomatiques avec le Venezuela de Maduro alors que ses prédécesseurs se rangeaient du côté de l’usurpateur qu’est Juan Guaido.
Cependant, ce n’est pas pour autant que Petro est un anti-impérialiste convaincu. Les vraies garanties, il les a dirigées aux grands groupes monopolistes, aux États-Unis et à l’OTAN : à aucun moment ne s’est-il engagé à démanteler les bases militaires étrangères (ce qu’avait fait Correa en se débarrassant de la base de Manta en Équateur) ni à rompre le partenariat de son pays avec l’OTAN. Lors de son discours électoral, il n’a pas manqué non plus de rappeler son intention de développer la Colombie selon les préceptes du capitalisme. Quant à la question de la guerre en Ukraine, c’est silence radio. Or, qui s’abstient soutient!
Petro n’est donc pas une version colombienne d’Hugo Chavez ni d’Evo Morales, pas même de Rafael Correa. Il semble appartenir à cette nouvelle “gauche” latino-américaine de compromis personnifiée notamment par Boric au Chili, Castillo au Perou, AMLO au Mexique ou encore par un retour potentiel de Lula au Brésil. Assez anti-impérialiste dans les mots pour faire illusion, mais incapable de s’opposer au pouvoir des monopoles, elle semble être l’exemple parfait d’une stabilisation du capital en Amérique latine basée sur un pacte entre le politique et l’économique où la droite gère l’économie et la gauche le social et le sociétal.
Telle semble être la véritable “alliance historique” en Colombie. Il serait en effet naïf de penser qu’un pays si important dans le contrôle de l’Amérique latine par l’impérialisme états-unien puisse basculer tout d’un coup à gauche. Il en est de même pour le Mexique, joueur-clé dans l’intégration continentale des capitaux nord-américains et dans la retenue des flux migratoires sud-nord. Quant au Brésil, ce n’est pas sans raison que les communistes refusent de s’allier à Lula, celui-ci préférant sceller un pacte avec l’un de ceux qui est à l’origine de son impeachment. Même au Venezuela, les pétrodollars potentiels qu’agite l’impérialisme états-unien fait revoir ses priorités au gouvernement en place…
Ces contradictions manifestes et dangereuses ne sont en rien surprenantes. Les peuples africains ne les connaissent que trop bien : elles ne sont que l’expression des limites des mouvements de libération nationale lesquels, à défaut d’être dirigés par des communistes, finissent par s’embourber dans une compétition entre monopolistes à travers le monde. Elles rappellent également qu’il n’existe aucune prétendue voie “non-capitaliste” de développement : il n’y a pas de troisième voie entre le socialisme scientifique et le capitalisme; qu’il est impossible de lutter contre l’impérialisme sans lutter pour le socialisme.
Il n’en demeure pas moins que la situation est porteuse d’espoir pour peu que les travailleur-euses de la ville comme des champs, la jeunesse et les masses populaires ne se laissent pas anesthésier par cette social-démocratie accompagnatrice de l’impérialisme et poursuivent leur mobilisation. Inversement, les masses laborieuses doivent continuer de cultiver une conscience anti-impérialiste qui empêchera les supplétifs des États-Unis et de ses alliés, les Bolsonaro ou Bukele et autres de se servir de leurs frustrations pour s’implanter de plus belle.
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